La remorque, le vélo et mes bagages sont dans le coffre de la voiture. Il est temps de dire un dernier au revoir à la famille Bueno. Je suis attristé de les quitter et, en même temps, heureux d’avoir passé de si bons moments avec eux. Et puis je suis impatient d’enfin atteindre Marseille à vélo !
Avant cela, je dois retourner à Valence, en France, où je dois ramener la voiture qui m’a été prêtée il y a trois semaines de cela. Après une heure et demi de route, le moteur de la voiture perd étrangement de la puissance. Je parviens à atteindre une station essence avec un garage quelques kilomètres plus loin. Malheureusement le garage a fermé depuis belle lurette et personne ne peut m’aider.
J’évite d’emprunter l’autoroute pour éviter de me retrouver coincé sur une bande d’arrêt d’urgence. Mon trajet passe donc par de petites villes et villages. Je profite de la luminosité de fin de journée. Les vignes colorent le paysage dans des tons allant du vert au brun clair en passant par des tons rouge, orange et jaune. Aussi agréable qu’elle puisse paraître en journée, la route devient longue, répétitive et lassante dès la nuit tombée. Je m’arrête régulièrement pour me délasser les jambes et respirer un peu d’air frais, jusqu’au moment où je n’en peu plus. Trop fatigué pour continuer, je décide, à deux heures de distance de ma destination, de quitter la route principale, à la recherche d’un endroit tranquille pour garer la voiture et y passer la nuit.
Dès le lever du jour, je continue ma route vers Roynac où je décharge le vélo et la remorque, avant de reprendre la route en direction du parking de la gare TGV de Valence où je stationne la voiture afin qu’elle puisse y être récupérée par son propriétaire.
Entre temps, de gros nuages noirs se sont formés dans le ciel et le vent s’est levé. Les branches des arbres vont et viennent, résistant comme elles peuvent à la force du vent. Heureusement, il ne me faut que quelques minutes et quelques grosses goutes avant d’être pris en stop par un automobiliste qui me déposera trois quarts-d’heure plus tard à Roynac.
Le lendemain matin, j’ai rendez-vous avec Gilles-Ivan Frankignoul. Le hasard fait que Gilles-Ivan est sur le point d’emménager à Marsanne, le village voisin de Roynac, dans les jours qui viennent. Nous nous sommes rencontrés pour la première fois quelques mois plus tôt, en février, dans un café de Saint-Gilles, à Bruxelles. Je cherchais des conseils sur la manière de procéder pour la réalisation d’une vidéo de présentation du projet et un ami nous a donc mis en contact, Gilles-Ivan étant réalisateur. Enthousiasmé par le projet et convaincu que j’en apprendrais plus en travaillant avec lui, qu’en basant mon travail sur les conseils techniques et les explications qu’il était en train de m’apporter, Gilles-Ivan proposa de réaliser la vidéo lui-même !
Comme vous pouvez l’imaginer, le résultat est allé au-delà de mes attentes. La vidéo a eu un immense impact sur la récolte de fonds. Elle m’a aussi permis de confirmer ce que je savais déjà : le jeu d’acteur, ce n’est pas mon truc !
Je suis en train d’essayer de répartir mes affaires de manière équilibrée dans la remorque et dans mes sacoches lorsque Gilles-Ivan arrive le matin. Nous déjeunons ensemble, puis il me suit en voiture pendant quelques kilomètres, jusque Cléon d’Andran, où nous nous arrêtons pour prendre une photo des statues d’éléphants sur le rond-point du village, en clin d’oeil à la vidéo et à l’éléphant de la place Flagey, à Bruxelles.
Malgré la chute des températures, le changement de temps d’hier m’est favorable dans la mesure où je bénéficie désormais d’un vent de dos, dès les berges du Rhône atteintes, que je suivrai jusqu’à Avignon.
À Avignon, sur la place déserte du Palais des Pâpes, je rencontre Henri, un jeune cycliste allemand de 19 ans. Nous pédalons instinctivement l’un vers l’autre, comme si nos vélos étaient des aimants. Nous discutons de nos expériences respectives et décidons de rouler ensemble pendant le reste de la journée étant donné que nous nous dirigeons dans la même direction.
Henri à quitté l’Allemagne quelques semaines plus tôt, et est en route pour l’Espagne. C’est un rêveur qui profite de l’instant présent. Habituellement, il commence ses journées après le déjeuner de midi car il aime lire et écrire, ce qu’il fait pendant environ deux heures tous les matins. Il aimerait atteindre le Maroc, et me demande ce qu’il pourrait dire à sa mère pour la rassurer sur ses projets…
Trouver en endroit pour planter la tente se révèle plus compliqué que prévu. La saison touristique est terminée et les campings sont tous fermés. Par ailleurs, la région est très urbanisée et trouver un pré où camper, sans indications de la part de locaux, risque de ne pas être facile. On interpelle des passants et on sonne à quelques portes pour obtenir les renseignements recherchés. Contrairement aux autres régions de France, les gens semblent plus réticents à aider deux cyclistes étrangers. Les portails ont des plaques indiquant « Je monte la garde », « Danger ! », « Attention au chien ! », « Chien méchant », ou « Surveillance citoyenne », avec des images de grand chiens et de caméras. L’un des portails dispose de la plaque « Je n’aboie pas, je mords ». Dans le jardin, un petit roquet vraisemblablement illettré et inconscient de sa taille, jape agressivement…
Aussi drôle que cela puisse paraître, l’ambiance est étrange.
Je me demande comment cela se fait et me dis que la politique n’est pas étrangère au phénomène. En effet, nous nous trouvons dans l’une des régions les plus favorables aux programmes politiques des extrêmes droite. Les quelques affiches électorales restantes de l’élection présidentielle qui ont eu lieu plus tôt dans l’année, sont celles de Marine Le Pen, candidate du Front National, parti d’extrême droite. Heureusement, Jacqueline et André, un couple de retraités, nous invitent à nous installer dans leur garage.
Alors que nous nous installons, André vient nous apporter deux bières en disant que nous pouvons nous servir dans le frigo. Puis, une fois installés, c’est Jacqueline qui vient nous apporter de la soupe pour accompagner le repas que nous sommes en train de préparer. Ils s’excusent tous les deux de devoir nous quitter car ils sont attendus chez des amis pour dîner. Le contraste entre les plaques de chiens agressifs et l’accueil que nous recevons est rassurant. Le lendemain matin, Henri et moi, nous séparons, nos routes allant l’une vers l’Espagne et l’autre vers Marseille.
Deux jours plus tard, je suis à l’arrêt à un feu rouge dans la circulation de la banlieue Marseillaise. J’attends que le feu passe au vert lorsque j’aperçois, entre deux immeubles, la mer. Je dois avouer que ce n’est pas dans les gaz d’échappement que j’avais imaginé atteindre la mer Méditerranée. Heureusement, je ne suis plus qu’à quelques kilomètres du Vieux Port où j’ai rendez-vous avec mon père et mon oncle Philippe. Ils viennent me dire un dernier au revoir et m’aider a atteindre le terminal portuaire avec une camionnette de location. C’est là une aide précieuse, dans la mesure ou les installations portuaires sont situées à environ 70 kilomètres de Marseille et que leur accès est loin d’être aménagé pour les cyclistes !
Mais avant cela, je dois m’assurer d’avoir apporté tous les renseignements et documents requis pour l’accès au port et à l’embarquement sur le Gisele A, le navire à containers qui va me déposer à Alexandrie, en Égypte.
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